NOTES DE LECTURES
Le cas Lambert
Curiosités n°2














































































































Format: 20,3 x 26,2 cm
304 pages
Papier: Lessebo design white 115g
Prix: 48€

ISBN: 978-2-9559097-6-8
Le cas Lambert

Publié dans la collection des Curiosités, Le cas Lambert est un travail sur le document et sur l’archive. Le corpus est constitué d’une matière* textuelle (écrits de médecins) et fictionnelle (Louis Lambert, Balzac), et d’une matière iconographique documentant le réel (dessins et photos puisés dans les traités médicaux du XIXe siècle). Le thème est l’aliénation mentale dont un des traits est la confusion entre fiction et réalité. L’étude reprend les démarches de l’art archiviste, du citationnisme et de l’appropriationisme, en y intégrant les concepts de conjointure** et d’interpolation***.

* On emploie l’expression « la matière Louis Lambert » dans le sens où, comme pour la littérature du Moyen Âge (cf. le cycle arthurien et « la matière de Bretagne »), le texte de Balzac a généré un cycle d’interprétations dont le sens se module au fur et à mesure des reprises.
** Le concept de conjointure est un emprunt à Chrétien de Troyes et à la littérature du Moyen Âge. La conjointure est l’art d’assembler des éléments apparemment disparates, parfois déjà racontés, afin de créer une nouvelle œuvre dotée d’un nouveau sens. La conjointure a une visée pragmatique et suppose que le lecteur ne se contente pas du récit, mais en cherche le sens.
*** L’interpolation est définie comme le « fait d’introduire dans un texte, par erreur ou par fraude, des passages qui n’appartiennent pas à l’original » (dictionnaire Universalis).


Le cas Lambert est une réédition du Louis Lambert de Balzac, un texte peu connu du grand public, mais considéré par les balzaciens comme une de ses oeuvres les plus importantes.

Louis Lambert se présente comme une composition d’éléments formellement hétérogènes
. un récit à la première personne pris en charge par le narrateur Balzac,
. des aphorismes philosophiques (mis en italiques) rédigés par le personnage Louis Lambert,
. des lettres écrites par ce même personnage qui font office de documents témoignant de la réalité des événements narrés et preuve de sa folie,
. des illustrations (suivant les éditions)
éléments dont la conjointure interroge le rapport entre fiction et réalité, et entre génie et folie.

Le débat fiction/réalité est sorti du champ littéraire par trois aliénistes du XIXe siècle et quatre psychiatres du début du XXe siècle qui reprennent deux épisodes centraux du texte de Balzac et les réinterprètent selon les besoins de leurs démonstrations. Les quatre psychiatres soutiennent que Balzac fait, en 1832, une parfaite description clinique d’un cas de schizophrénie, alors que la maladie elle-même ne sera décrite et identifiée qu’en 1911. La fiction, lue comme un document expliquant le réel de la folie, fonde la naissance d’une nouvelle catégorie dans la nosologie psychiatrique : la schizophrénie. L’histoire de Louis Lambert devient archive première et mythe fondateur. C’est de ce mythe que s’empare le Lampadaire pour construire la partie « études » du Cas Lambert.

Ni erreur, ni fraude dans la création de textes contemporains dans lesquels l’auteur introduit des écrits du passé qu’il insère par montages syntaxiques dans son propre texte, comme le fait l’art archiviste avec les images. Ces interpolations interrogent le texte de Balzac sur des thématiques comme — la relation entre la mélancolie et la science — la valeur de la documentation en science et en art – la poétique électrique. Elles permettent de mieux comprendre le texte balzacien, ses enjeux et les raisons de la place importante que lui accorde Balzac. Elles donnent accès au processus d’écriture et aux conditions de l’écriture. Elles invitent à une re-lecture de Louis Lambert.

Les documents de l’iconographie médicale ont fonction de preuve. Une fois que leur est ôté le statut de preuve, que deviennent-ils ? Nous avons voulu déconstruire le rêve taxinomique, et avoir accès aux images pour elles-mêmes, corps parlants, corps souffrants, extraits du contexte médical qui les juge et les classe. Les déplacer et les re-dis-poser, c’est raconter une autre histoire. Nous voulons entendre, et faire entendre, le Bruissement des voix de celles et de ceux dont on entend si peu la parole dans les écrits des médecins. Mais nous n’avons accès aux détails de leur vie que par ces médecins qui rédigent des fiches, des « observations », dans lesquelles sont consignés nom, âge, traumatismes à l’origine de la maladie, symptômes, évolution… Pour faire parler les corps et leur restituer une existence sensible, il nous faut bien recourir aux archives écrites de la main des médecins, mais nous les installons dans un autre dispositif : les notices iconographiques, déplacées dans une section qui leur est propre (Anthologie d’existences), reprennent les histoires de chaque patient pour former un nouveau récit, souvent répétitif, et dont la lecture est aussi impressionnante que le sont les images de la folie.

Réassembler, réagencer, faire se côtoyer des éléments apparemment disparates : mettre en miroir un personnage de fiction (Louis Lambert) dont on entendrait encore la voix en regardant le portrait de tel ou tel aliéné et en lisant des extraits des observations des médecins ; mettre face à face les grimaces électrifiées des modèles de Duchenne de Boulogne et le portrait des hallucinés.
Nous reprenons à notre compte cette phrase de Michel Foucault (La vie des hommes infâmes) « et que du choc de ces mots et de ces vies naisse pour nous encore un certain effet mêlé de beauté et d’effroi. »


Sommaire

Partie roman
p. 1. Louis Lambert, Balzac

Partie iconographie séquence
p. 107

Partie études
1 Redoublements, reprises, répétitions
p. 158. La lecture médicale. Louis Lambert, un cas clinique
p. 174. Interpolation 1 : Mélancolie et science
p. 184. Représentations mentales, hallucinations, illusions
p. 190. Interpolation 2 : La névrose électrique
2 Bruissements
p. 198. Les insanes
p. 226. Anthologie d’existences
3 Le document et la preuve
p. 236. L’image médicale. Signes et dispositifs
p. 248. Interpolation 3 : L’illusion documentaire
p. 256. Anatomies. Traverser la peau ‒ Couper le cerveau
p. 264. Interpolation 4 : Poétique électrique

p. 275. Postface, Julie Cheminaud
p. 285. Brève histoire du texte, Thierry Bodin


Direction éditoriale: Sophie Saulnier
Contributeurs: Thierry Bodin (Brève histoire du texte), Julie Cheminaud (Postface), Hubert Lambert (Recherche documentaire), Sophie Saulnier (Interpolations et recherche iconographique).
Conception graphique : bureau DGC

Suggestion: lire Louis Lambert, puis l’ensemble des études, puis relire Louis Lambert. Ne pas oublier de lire Le feuilleton d'Hubert Lambert écrit par Hubert Lambert, collections des Nouveautés n°2.