GOUROUS
Choc
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CHOC

Arrêtons de faire des manières, de tourner autour du pot, qu’est-ce qui est tabou ? Disons-le. On le dit. Calmement. Raisonnablement. Logiquement. Asseyons-nous et discutons. Faites péter les clairons. C’est quoi ? Le sexe ? Le diable ? La mort ? Le cannibalisme ? La chair humaine ? Le cœur de l’homme, de la femme, de l’enfant, du vieillard, du SDF ? C’est quoi ? Vous mangez quoi, vous dites quoi ?
Je mange le cœur, avec lenteur, avec saveur, le sang coule et l’humain est défiguré.
Je refuse de manger le cœur. Car sans cœur, sans entrailles, une fois que tout est consommé, que l’humain n’est plus qu’une peau retournée, qu’un immense vide rouge béant sur l’univers vide mais si étrangement attirant, si indépendamment de ma volonté attirant, si bestialement mais en même temps si facilement retournable, maîtrisable. Qu’en ai-je à faire ?
Mais dites-le, n’ayez pas peur d’éclater les cervelles, de briser les os, de cogner contre les murs, de vous assener les coups qu’on ne vous a pas suffisamment donnés.
Qu’est-ce qui est tabou ? Voyons-le. Ce qui me révulse l’œil, l’âme, ce que je ne peux voir, ce que mon regard se refuse à voir, la tête décapitée posée sur le corps de l’homme sans tête qui n’est plus un homme, le trou géant du sexe de la femme les jambes grandes écartées et les seins exagérément gonflés, coupée en deux le haut et le bas, qui n’est plus une femme, les enfants misérables qui tuent et explosent qui ne sont plus des enfants. Ces images que je ne cherche pas mais qui moi par mégarde, l’autre dans une intention diaboliquement perverse s’imposent à moi dans ce si court laps de temps du clic qui m’oblige à voir et me fait dire je ne veux pas voir ça. Pas ça. Mais qui ont eu le temps d’impressionner irrémédiablement ma rétine.

Fred Lucas, 2018
LARMES/GOUROUS
Choc/suite
COLLECTION DES NOUVEAUTÉS
CHOC/SUITE

saturnlimier n’aime pas les phrases et surtout pas celle-là qu’elle se refuse à prononcer ou même à recopier. Ni les guillemets, ni les italiques ni le sotto voce, ni la main sur la bouche ni le chuchotement ni le in petto ni le langage des sourd muets gestes ou pas geste et dieu sait que ce geste qui accompagne le cri de victoire de la phrase maudite est laid ne feront que je la prononcerai plutôt disparaitre dans les abimes de la terre ceux du ciel cieux des gouffres cieux des cuisines des purgatoires des buanderies des chevaleries
c’est le yeeehh triomphal qui l’accompagne, a-t-on vu plus laid, plus hyène ?
ce sont les deux bras comment les décrire ses bras entendez-vous le cri qui en accompagne le mouvement sec du haut vers le bas comme une descente de stores descente d’organes geste brusque brutal qui doit s’arrêter là où s’arrêtent les coudes les deux avant-bras à la perpendiculaire, est-ce un bateau qu’on arrête ici ?
il n’y a pas plus laid plus hyène
sur saturne même il n’y a pas plus laid plus hyène
car c’est la haine, c’est la mauvaise heure
celle qui clame qui lame qui prétend tout emmener avec elle
c’est la lame
la larme
il sonne l’alarme
c’est la corde de la cloche la grosse qu’il faut secouer pour que sonne le tocsin
facile dit du, je l’ai vu dans le métro sur les murs des tunnels qui luit dans le noir, c’est le du c’est le du c’est le du de dieu celui du bon celui qui nait sur les murs noirs du métro
mais la phrase n’y est pas écrite car c’est une phrase et si le métro ressasse il n’écrit pas, heureusement
c’est là que tous tentent de crier en chœur
il y a foule
et je ne veux pas y aller car le slogan est terrible terrifiant contre nature irréaliste non souhaitable non souhaité abominable

Fred Lucas, suite
Le Lampadaire 2020