LARMES/GOUROUS
Anna Maddalena Nasturzia
Anna Maddalena Nasturzia
Anna et Maddalena et Nasturzia je t’appelle sainte fleur et Capucine en 1597 en 1598 en 1604
J’ai mal et je pleure
Fouettée parce que mon cul s’est offert
Tu es la bagasse béguineuse catin boucanière la coureuse croqueuse Ma pute la mauvaise vie galante et légère fille publique en joie dans les rues Ma pute la garce gaupe gauton la grue gourgandine Ma pute horizontale la morue et la peau de moukère la pierreuse Ma pute la sirène et la souris la fille en taxi Putain ma pute mon amie
J’ai mal et je pleure
Assise dans un coin je murmure : je suis olio su tela
Je n’ai pas vu cela non tu es la trainée magique qui glisse sous mes yeux je vois oui ta larme axis mundi lentement le tableau tourne autour d’elle cette goutte sacrée de gauche à droite à Rome et partout ailleurs je mâche les orties et les joncs
Où me veux-tu ?
Tu n’as plus qu’à faire glisser les étoffes
Je compte tes perles trente six perles deux boucles d’oreilles bracelet et collier tout à terre le flacon la larme assise penchée courbée pliée sur toi-même ronde giration comme immobile et pourtant non
Je voudrais filer en Egypte en larmes et
Al naturale échapper aux symétries
Dis pourquoi tu pleures ton sexe est dans tes mains laiteuses et arrondies je glisserai la langue le long de ton poignet résonne encore le bruit des perles sur la dalle tes mains au centre l’une sur l’autre posées comme tenir un moineau mort l’index ouvert
Je pleure pour faire glisser l’image
Pour laisser tourner mes cheveux mon cou de cygne ma robe ma dentelle
Je noue ton corps à la toile tu es un cercle en train de se clore ta bouche aspire je ne raconte pas juste je vois tes mains dorment le temps posé sur la ligne du cou jusqu’à la conque oreille sans simulacre à peau nue avec le souvenir dans le creux de ma paume de la rondeur de tes fesses voilées jamais je ne les donnerai à voir
Je suis une dentelle qui frissonne
La méthode d’invention d’une bonté qui serait puissance
Je vois ton innocence et je la pose devant moi avec les yeux beauté du chagrin qui devient joie d’être chaque fois qu’un malheur arrive je t’appelle image Anna la rouge je t’ai touché le cul et je m’en souviens par dessus les voiles amassés et toutes les images peintes je me souviens de toutes les femmes qui te ressemblent en 2018
Ecco qua Anna bel culo che ha
Colui che persevera nell’esistenza
Glisse et là tombe de sommeil Anna Madalena Nasturzia je dénoue avec les dents deux fins bracelets de fil blanc si peu pour te retenir si peu pour durer et tendre à persévérer tu ne sais pas de quoi tu es capable avaler le monde dans tes cuisses ouvertes et retenir tout en une larme as-tu idée de ce qui arrive à ton corps Anna Bianchini
Sento il suono delle perle
Ma non vedo nulla
Je suis le nœud de l’étoffe sur ton ventre je suis la bretelle ouvragée à l’épaule qui glisse je suis l’innocence de ta bouche entr’ouverte Annucia le souffle de la peine qui s’épuise pour repousser l’impuissance tout cela je le pose devant moi pour voir la mort mourir.
Peins moi sans repentir
Sauve moi
Philippe Labaune
Anna Maddalena Nasturzia
extrait du recueil Oeils
publié en mars 2019
chez Gros Textes