ATTENTE/ERRANCE
Tour du Péloponnèse
COLLECTION DES NOUVEAUTÉS
TOUR DU PÉLOPONNÈSE

Par un sort jadis que l’on m’avait jeté 
En colonne mes jambes s’étaient figées 
Caryatide je portais sur ma tête
Le poids de mes malheurs depuis l’Antiquité
Une magie soudaine m’en a délivrée 
Mes jambes libérées partirent en conquête 
Vers les contrées de Sophocle et d’Homère
Vers le Péloponnèse où je partis légère
En quête d’un poète qui me raconterait
D’une poésie troublante et vraie
Comment l’amour triomphe aujourd’hui 
Combien le monde s’est adouci
Et que la poésie partout irradie 

J’arrivai à Corinthe, passage obligé 
Pour tous les voyageurs qui arrivent à pied 
J’y trouvai secs, des raisins qui ne font pas de vin
Puis des ruines jolies qui affichent qu’en vain
Aphrodite amoureuse n’a pas imposé 
La poésie que son exil aurait mérité 

À Épidaure j’ai voulu qu’on me joue
De Sophocle, Œdipe ou Antigone 
On m’a dit qu’aujourd’hui il était un peu fou
D’ainsi penser l’honneur que ces pièces ambitionnent 
Et que si les amours n’étaient plus interdits 
On n’en louait plus les mérites infinis

Je me rendis à Mycène, cité d’Agamemnon
Qui par les conquêtes dont il fut vainqueur
Saurait m’indiquer un poète dont le nom
Est connu aujourd’hui pour raconter les cœurs
Mais la porte des lionnes me fut refusée 
Car les ruines sanctuaires y sont protégées
Et moi, femme de pierre de l'Érechthéion
Sous mes pas s’effondreraient les fondations 

Je m’envolais vers Sparte qui de rien n’a peur
Pour d’un guerrier conquérir le cœur
Du glaive à la plume je saurai le conduire 
De guerrier à poète je saurai l’attendrir
Seul Léonidas en bronze immobile 
Demeure guerrier en cette cité tranquille 
Ni de glaive ni de plume
On n’y a fait coutume

A travers les montagnes, j’entrepris la traversée 
Difficile et risquée vers Kalamata 
Qui par tous les temps fut fort éprouvée
Savoir et culture n’y manquent pas 
Enrichie des peuples qui l’ont envahie
Là non plus nulle poésie 
Ne navigue que les olives éponymes 
Qui de leur culture la cité prédomine

Je revins sur l’Acropole triste et déçue
De voir ce que le monde était devenu
O magie céleste refais-moi porter
Mes malheurs pour l’éternité
Que seul un poète vienne me délivrer 
Du sort de pierre que tu m’auras jeté
Car seuls l’amour et la poésie
Peuvent de mes malheurs nettoyer ma vie


Lucie Roger Tour du Péloponnèse
septembre 2022, Le Lampadaire