QUAND LES AUTEURS SONT DES PERSONNAGES
Biographie de quelques auteurs du Lampadaire.
1. Maria Rantin
NOUVEAUTÉS
BIOGRAPHIE LAMBERTIENNE DE MARIA RANTIN
Maria Rantin est lusophone par sa mère portugaise, et anglophobe pour des raisons que nous ne développerons pas ici mais qui concerne ses relations avec son père américain. Malgré cette difficulté relationnelle, elle revendique sa double appartenance et se dit américano-portugaise. Elle est l’auteur de plusieurs récits en langue française publiés par Le Lampadaire.
Maria Rantin a fait des études d’entomologie à l’université de Lisbonne. Dans sa thèse elle s’est demandé quelle était la résistance des pucerons à la chaleur. Elle étudiait plus particulièrement les pucerons des rosiers qui longent les tiges et sont élevés par les fourmis, et ceux des cerisiers qui se lovent dans les feuilles et sont entretenus par un autre insecte jusqu’alors inconnu d’elle et dont elle cherchait à découvrir le mode de vie.
Tout allait bien, elle menait ses expériences selon le protocole convenu avec son maître de thèse. Ses travaux avaient de l’avenir, et des laboratoires spécialisés dans la lutte contre les pucerons suivaient de près l’avancée de ses recherches. Une fois tout le matériel assemblé, les expériences réalisées, vint le temps de rédiger. C’est à ce moment que sa thèse prit un tour étrange.
Un certain nombre de troubles du comportement auraient dû alerter ses proches et ses professeurs, des indices, des failles, des hésitations, des tremblés. Tout cela fut mis sur le compte du surmenage causé par l’attention suraiguë qu’elle devait porter à des phénomènes aussi minuscules que la production de gouttes d’un liquide sucré par un puceron vert adulte.
Son regard aiguisé, sur-sollicité, se posa sur une goutte d’eau qui s’était déposée sur son bras alors qu’elle buvait un verre de rosé qui certes avait été rafraîchi avec des glaçons mais qui n’avait aucune raison de baver sur elle. Elle fit le lien avec « l’exquise rosée » dont parlait son maître en pensée, le grand entomologiste français Fabre, lorsqu’il décrivait le système de production de miellat par le puceron et son exploitation par la gourmande fourmi :
Ils sont les vaches des fourmis, qui viennent les traire, c’est-à-dire provoquer par des chatouillements l’émission de la liqueur sucrée. Aussitôt parue au bout des tubes, la goutellette est bue par la laitière. Il est des fourmis à moeurs pastorales qui parquent un troupeau de pucerons dans un chalet construit en parcelles de terre autour d’une touffe d’herbages. Sans sortir de chez elles, elles peuvent traire et se remplir le bidon.
Les non versées dans l’art pastoral exploitent les stabulations naturelles. En procession sans fin, je les vois, très affairées, escalader les genêts ; en d’autres processions je les vois redescendre, repues et se pourléchant. Leur ventre distendu est devenu perle translucide.
Toutes nombreuses et zélées qu’elles sont ces laitières ne peuvent suffire aux produits d’un tel troupeau. Alors les pis corniculaires expulsent d’eux-mêmes le trop-plein et le laissent négligemment tomber. Au-dessous, branches et rameux reçoivent l’exquise rosée et se vernissent d’un enduit visqueux. C’est le miellat.
Maria Rantin s’acharna à prouver que la production, par le verre de rosé frais, d’une perle d’eau relevait du même principe que celle de la liqueur sucrée par le puceron qu’il soit vert ou noir. Ceci lui valu le blâme de son jury de thèse qui lui indiqua qu’avant de se lancer dans la lecture du grand Fabre et d’en tirer des conclusions scientifiques, elle aurait mieux fait de parfaire son français. C’est pourquoi elle se retrouva sur le marché du travail sans travail et sans diplôme.
Comme elle avait le goût des digressions, ce qu’elle venait de prouver, elle décida de devenir écrivain et érigea en principe cette phrase qui devint son drapeau national « Faisons de toute faille un succès » soit « Tornamos toda falha em sucesso » dans sa langue maternelle.
Elle suivit le conseil des membres de son jury de thèse et parfit son français. Je dis bien « parfit », car elle prétendit (c’est ce qu’elle me confia) non seulement parfaire sa connaissance et sa pratique du français, mais parfaire aussi cette langue même, non qu’elle la jugeât vraiment imparfaite. Elle la trouvait simplement incomplète.
Les verbes défectifs lui posaient problème : elle m’expliqua que suivant les dictionnaires parfaire était un verbe défectif ne connaissant aucun des temps simples, ou bien un verbe inusité au passé simple mais acceptant le présent et le futur. Dans l’usage courant, elle ne le rencontrait qu’à l’infinitif (voir le rapport du jury de thèse). Or un verbe qui ne s’emploie qu’à l’infinitif la désolait.
Elle devint donc écrivain, parfaisant son et le français jour après jour, ligne après ligne. Pour ce faire, comme elle aimait dire, bien que cette expression soit peu heureuse elle le savait, elle s’expatria en France sous le prétexte de retrouver une vague famille qui s’était installée dans la région parisienne.
Elle travailla à mi-temps dans un zoo, mais bien qu’elle ait étudié l’éthologie des pucerons on ne lui confia que des tâches ménagères, passant avec son balai de la fosse aux ours aux cages des phasmes. Vous l’avez compris, elle était victime de cet a priori qui veut que les portugaises sans diplômes soient femmes de ménage.
Elle avait pourtant lu Fabre. Elle ne se plaignit pas de la situation qui lui laissait du temps libre pour écrire, et la mettait en contact avec une grande diversité d’animaux dont elle essayait de comprendre, parfois même de transcrire, les différents langages ou modes d’expression.
Elle rencontra Joseph Pasdeloup dont le nom ne pouvait que la séduire.
Hubert Lambert
Travail en cours, pour Le Lampadaire
Fabre, Souvenirs entomologiques.
Les textes de Maria Rantin publiés par le Lampadaire sont ici, ici et ici