QUAND LES AUTEURS SONT DES PERSONNAGES
Biographie de quelques auteurs du Lampadaire.
4. Fred Lucas
NOUVEAUTÉS







































































Marcel Mauss
Les Techniques du corps 1934
BIOGRAPHIE LAMBERTIENNE DE FRED LUCAS

Dès l’enfance, Fred Lucas eut l’âme d’un détective. Ses parents le comprirent très vite. Sa mère, la première. Dans son ventre, il bougeait, il bougeait sans cesse, tâtant les plis et les déplis de sa cache arrondie. Il observait, il réfléchissait, il tirait des conclusions.
De cette enquête utérine il ne lui resta rien. Le passage du monde liquide au monde gazeux lui causa un tel choc qu’il perdit tout souvenir de ses si précieux neuf premiers mois d’enquête.
Tout, sauf l’envie de savoir. Sa libido à lui. Un carnet aurait pu lui être utile. Il aurait noté ses impressions, il aurait su trouver les mots, il en est persuadé ; il les avait, il le sait.
C’est son père qui n’a pas voulu le lui donner.

Fred Lucas, est un imposteur. C’est sa posture, il la revendique. Sans complexe aucun.
« Je suis un imposteur. Même avec les mots. » C’est ainsi qu’il s’est présenté au Lampadaire. « Surtout avec les mots. C’est là mon talent » nous a-t-il dit en postillonnant.
Car ils ne veulent plus rien dire, même ceux du carnet.
Car les vrais sont partis.
Pour toujours.

Filatures, enquêtes, littéraires ou non, sur les impostures en tout genre.
C’est là sa spécialité.
Il décèle l’imposture mais il ne sait la résoudre, la réduire à néant, l’exploser. Juste capable de dire « là il y a quelque chose qui ne tourne pas rond », dire quoi il le sait aussi, mais dire pourquoi, remonter à la source, il ne le sait pas. C’est embêtant, c’est pour ça qu’il écrit.

Parce que sans ça il tourne en rond, comme un chat dans un bocal, non c’est un poisson pardon. Comme un chat qui tente d’attraper le poisson doré qui tourne en rond dans son bocal, longeant les parois transparentes, pourra-t-il échapper au chat s’il tourne en rond plus vite que son poursuivant. Pourquoi écrit-il ? c’est la question qu’il pose au poisson qui la pose au chat qui la pose au loup qui la pose au puceron. Au rose des roses au rouge du rouge qui la pose au quand dira-t-on la réponse, à la ronce la ronde ronce pas celle qui blesse, alors laquelle ?

Comment s’en sortir ?

Pour ses obsèques – il est prévoyant – il a chargé madame Baldieu de préparer la réception donnée en l’honneur de son arrivée dans l’autre monde, car s’il est conscient d’avoir un peu loupé sa naissance il ne voudrait pas louper sa mort. Mais se souviendra-t-il de sa mort et de la réception donnée en son honneur? Comment enquêter sur le futur ? Quels carnets prendre ?

Comment s’en sortir ?

Comment savoir ?

Qu’écrit-il ?

Entre la naissance et la mort comment vivre ? pour qui ? pour quoi ? Ce sont les questions qu’il pose à tous, sans se lasser. C’est là son enquête.
Et chacun lui dit : ne m’enlevez pas ma maison, laissez-moi mes enfants, ne me prenez pas mon moi. C’était toujours la crainte. Des phrases négatives. C’est ce qu’il a trouvé toujours et partout, dans les cris stridents et dans les silences, dans les pleurs et les chants, c’était toujours la crainte, la crainte de ne pas faire ce qu’il fallait faire, de ne pas avoir dit ce qu’il aurait fallu avoir dit. C’est la crainte universelle, c’est cette absence de mots.

Que peut-il y faire ? Comment arranger le monde ?

Il interroge Nerval, il interroge Van Gogh, il interroge Raymond Roussel et même Raymond Queneau. Toujours le même gouffre. La même absence. Il interroge les passants, les vivants et les morts. Il prend des notes, remplit carnets et carnets, carnets sur carnets. Inlassablement.
Il arpente le monde, se cache, espionne, tours de guet, pièges et lacets.
En vain.

Même l’aveugle rencontrée, frileuse, sur le pont d’un bateau, ne lui apporta pas de réponse.

Hubert Lambert
Travail en cours, pour Le Lampadaire



Danse. - Vous avez peut-être assisté aux leçons de M. von Hornbostel et de M. Curt Sachs. Je vous recommande la très belle histoire de la danse de ce dernier. J'admets leur division en danses au repos et danses en action. J'admets peut-être moins l'hypothèse qu'ils font sur la répartition de ces danses. Ils sont victimes de l'erreur fondamentale sur laquelle vit une partie de la sociologie. Il y aurait des sociétés à descendance exclusivement masculine et d'autres à descendance utérine. Les unes, féminisées, danseraient plutôt sur place ; les autres, à descendance par les mâles, mettraient leur plaisir dans le déplacement.

Descente. - Rien n'est plus vertigineux que de voir un Kabyle descendre avec des babouches. Comment peut-il tenir et ne pas perdre ses babouches ? J'ai essayé de voir, de faire, je ne comprends pas.
Je ne comprends pas non plus d'ailleurs comment les dames peuvent marcher avec leurs hauts talons. Ainsi il y a tout à observer, et non pas seulement à comparer.