ATTENTE/ERRANCE Adelbert Von Chamisso, La merveilleuse histoire de Peter Schlemihl
Chapitres IX-XI
CURIOSITÉS

Chapitre IX





















































































































Chapitre X
























































































Chapitre XI
































































































































Adelbert von Chamisso, Peter Schlemihls wundersame Geschichte
L'Homme qui a vendu son ombre

Je me trouvais donc sans ombre et sans argent, mais ma poitrine était soulagée du fardeau qui l’avait oppressée et je respirais librement. Si je n’avais pas perdu mon amour, ou si dans cette perte je m’étais cru sans reproche, je crois que j’aurais été heureux. Cependant je ne savais que faire, et j’ignorais ce que j’allais devenir. Je visitai d’abord mes poches, où je trouvai encore quelques pièces d’or ; je les comptai, et je me mis à rire. J’avais laissé mes chevaux dans la vallée, à l’auberge prochaine, mais j’avais honte d’y retourner. Au moins fallait-il pour cela attendre le coucher du soleil, et il était à peine à son midi. Je m’étendis à l’ombre d’un arbre, et je m’endormis profondément.
À travers le tissu diaphane d’un songe délicieux, je vis groupées autour de moi les plus riantes images. Je vis Mina couronnée de fleurs s’approcher, me sourire, se pencher vers moi, et glisser comme sur les ailes du zéphyr. L’honnête Bendel, le front radieux, passa devant moi, et me tendit la main. De nombreux groupes semblaient former dans le lointain des danses légères. Je reconnus plusieurs personnes ; je crus te reconnaître toi-même, mon cher Adelbert. Une vive lumière éclairait le paysage ; cependant personne n’avait d’ombre, et ce qu’il y avait de plus extraordinaire, c’est que cela n’avait rien de choquant. Des chants retentissaient sous des bosquets de palmiers ; tout respirait le bonheur. Je ne pouvais fixer toutes ces images furtives, je ne pouvais même les comprendre ; mais leur vue me remplissait d’une douce émotion, et je sentais que ce rêve m’enchantait. J’aurais voulu qu’il durât toujours, et en effet, longtemps après m’être réveillé, je tenais encore les yeux fermés, comme pour en retenir l’impression dans mon âme.
J’ouvris enfin les yeux. Le soleil était encore au ciel, mais du côté de l’orient ; j’avais dormi le reste du jour précédent et la nuit tout entière. Il me sembla que ce fût un avertissement de ne plus retourner à mon auberge. J’abandonnai sans regret tout ce que j’y possédais encore, et je résolus de suivre à pied le sentier qui, à travers de vastes forêts, serpentait sur les flancs de la montagne. Je m’abandonnai à mon destin, sans regarder en arrière, et je n’eus pas même la pensée de m’adresser à Bendel, que j’avais laissé riche, et sur lequel j’aurais pu compter dans ma détresse.
Je me considérai sous le rapport du nouveau rôle que j’allais avoir à jouer. Mon habillement était très modeste ; j’étais vêtu d’une vieille kourtke noire que j’avais portée jadis à Berlin, et qui, je ne sais comment, m’était tombée sous la main le jour où j’avais quitté les bains. J’avais un bonnet de voyage sur la tête et une paire de vieilles bottes à mes pieds. Je me levai, coupai un bâton d’épine à la place même où j’étais, en mémoire de ce qui s’y était passé, et je me mis sur-le-champ en route.
Je rencontrai dans la forêt un vieux paysan qui me salua cordialement ; je liai conversation avec lui. Je m’informai, comme le fait un voyageur curieux et à pied, d’abord du chemin, ensuite de la contrée et de ses habitants, enfin des diverses productions de ces montagnes. Il répondit à toutes mes questions en bon villageois et avec détail. Nous arrivâmes au lit d’un torrent qui avait ravagé une assez vaste étendue de la forêt. Ce large espace éclairé par le soleil me fit frissonner intérieurement. Je laissai mon compagnon passer devant moi, mais il s’arrêta au milieu de cette dangereuse traversée, et se retourna vers moi pour me raconter l’histoire et la date du débordement dont nous voyions les traces. Il s’aperçut bientôt de ce qui me manquait, et s’interrompant dans sa narration :
« Comment donc ! dit-il, monsieur n’a point d’ombre ?
– Hélas ! non, répondis-je en gémissant ; je l’ai perdue, ainsi que mes cheveux et mes ongles, dans une longue et cruelle maladie. Voyez, brave homme, à mon âge, quels sont les cheveux qui me sont revenus : ils sont tout blancs ; mes ongles sont encore courts, et pour mon ombre, elle ne veut pas repousser. »
Il secoua la tête en fronçant le sourcil, et répéta :
« Point d’ombre ! point d’ombre ! cela ne vaut rien, c’est une mauvaise maladie que monsieur a eue là. »
Il ne reprit pas le récit qu’il avait interrompu, et il me quitta, sans rien dire, au premier carrefour qui se présenta. Mon cœur se gonfla de nouveau, de nouvelles larmes coulèrent le long de mes joues. C’en était fait de ma sérénité.
Je poursuivis tristement ma route, et je ne désirai désormais aucune société ; je me tenais tout le jour dans l’épaisseur des bois, et lorsque j’avais à traverser quelque lieu découvert, j’attendais qu’aucun regard ne pût m’y surprendre. Je cherchais, le soir, à m’approcher des villages où je voulais passer la nuit. Je me dirigeais sur des mines situées dans ces montagnes, où j’espérais obtenir du travail sous terre. Il fallait, dans ma situation présente, songer à ma subsistance ; il fallait surtout, et je l’avais clairement reconnu, chercher dans un travail forcé quelque relâche aux sinistres pensées qui dévoraient mon âme.
Deux journées de marche par un temps pluvieux, où je n'avais pas le soleil à craindre, m'avancèrent beaucoup sur ma route, mais ce fut aux dépens de mes bottes, qui dataient du temps du comte Pierre, et n’avaient pas été faites pour voyager à pied dans les montagnes. Je marchais à pieds nus ; il fallait renouveler ma chaussure. Le matin du jour suivant, le ciel étant encore couvert, j’entrai, pour m’occuper de cette affaire importante, dans un bourg où l’on tenait foire, et je m’arrêtai devant une boutique où des chaussures vieilles et neuves étaient étalées. Je marchandai une paire de bottes neuves qui me convenaient parfaitement ; mais le prix exorbitant que l’on en demandait m’obligea d’y renoncer. Je me rabattis sur d’autres déjà portées, qui paraissaient encore bonnes et très fortes ; je conclus le marché. Le jeune garçon qui tenait la boutique, et dont une longue chevelure blonde ombrageait la belle figure, les remit entre mes mains, après en avoir reçu le paiement, et me souhaita d’un air gracieux un bon voyage. Je me chaussai de ma nouvelle emplette, et je sortis du bourg, dont la porte s’ouvrait du côté du nord.
Absorbé dans mes pensées, je regardais à peine à mes pieds ; je songeais aux mines, où j’espérais arriver le soir même, et où je ne savais trop comment me présenter.
Je n’avais pas encore fait deux cents pas, lorsque je m’aperçus que je n’étais plus dans le chemin ; je le cherchai des yeux. Je me trouvais au milieu d’une antique forêt de sapins, dont la cognée semblait n’avoir jamais approché. Je pénétrai plus avant : je ne vis plus autour de moi que des rochers stériles, dont une mousse jaunâtre et aride revêtait la base, et dont les sommets étaient couronnés de glaces et de neiges. L’air était extrêmement froid. Je regardai derrière moi ; la forêt avait disparu. Je fis encore quelques pas ; le silence de la mort m’environnait. Je me trouvai sur un champ de glace, qui s’étendait à perte de vue autour de moi. L’air était épais ; le soleil se montrait sanglant à l’horizon. Je ne comprenais rien à ce qui m’arrivait. Le froid qui me gelait me força de hâter ma marche. J’entendis le bruissement éloigné des flots encore un pas, et je fus aux bords glacés d’un immense océan ; et devant moi des troupeaux innombrables de phoques se précipitèrent en rugissant dans les eaux. Je voulus suivre cette rive je revis des rochers, des forêts de bouleaux et de sapins, – des déserts. Je continuai un instant à courir ; la chaleur devint étouffante. Je regardai autour de moi ; j’étais au milieu de rizières et de riches cultures. Je m’assis sous l’ombre d’une plantation de mûriers ; je tirai ma montre : il n’y avait pas un quart d’heure que j’étais sorti du bourg. Je croyais rêver ; je me mordis la langue pour m’éveiller, mais je ne dormais pas. Je fermai les yeux pour rassembler mes idées. Les syllabes d’un langage qui m’était tout à fait inconnu frappèrent mon oreille. Je levai les yeux : deux Chinois (la coupe asiatique de leur visage me forçait d’ajouter foi à leur costume), deux Chinois m’adressaient la parole avec les génuflexions usitées dans leur pays. Je me levai et reculai de deux pas ; je ne les revis plus : le paysage avait changé, des bois avaient remplacé les rizières. Je considérai les arbres voisins ; je crus reconnaître des productions de l’Asie et des Indes orientales. Je voulus m’approcher d’un de ces arbres ; – une jambe en avant, et tout avait encore changé. Alors je me mis à marcher à pas comptés, comme une recrue que l’on exerce, regardant avec admiration autour de moi. De fertiles plaines, de brûlants déserts de sable, des savanes, des forêts, des montagnes couvertes de neige se déroulaient successivement et rapidement à mes regards étonnés. Je n’en pouvais plus douter, j’avais à mes pieds des bottes de sept lieues.

Un vif et profond sentiment de piété me fit tomber à genoux, et des larmes de reconnaissance coulèrent de mes yeux. Un avenir nouveau se révélait à moi. J’allais, dans le sein de la nature que j’avais toujours chérie, me dédommager de la société des hommes, dont j’étais exclu par ma faute ; toute la terre s’ouvrait devant mes yeux comme un jardin ; l’étude allait être le mouvement et la force de ma vie, dont la science devenait le but. Je n’ai fait depuis ce jour que travailler, avec zèle et persévérance, à réaliser cette inspiration ; et le degré auquel j’ai approché de l’idéal a constamment été la mesure de ma propre satisfaction.
Je me levai aussitôt pour prendre d’un premier regard possession du vaste champ où je me préparais à moissonner. Je me trouvais sur le haut plateau de l’Asie, et le soleil, qui peu d’heures auparavant s’était levé pour moi, s’inclinait vers son couchant. Je devançai sa course en traversant l’Asie d’orient en occident ; j’entrai en Afrique par l’isthme de Suez, et je parcourus en différents sens ce continent, dont chaque partie excitait ma curiosité. Passant en revue les antiques monuments de l’Egypte, j’aperçus près de Thèbes aux cent portes les grottes du désert qu’habitèrent autrefois de pieux solitaires, et je me dis aussitôt : « Ici sera ma demeure. » Je choisis pour ma future habitation l’une des plus retirées, qui était à la fois spacieuse, commode et inaccessible aux chacals, et je poursuivis ma course. J’entrai en Europe par les colonnes d’Hercule, et, après en avoir regardé les diverses provinces, je passai du nord de l’Asie sur les glaces polaires, et gagnai le Groenland et l’Amérique. Je parcourus les deux parties du nouveau monde, et l’hiver qui régnait dans le sud me fit promptement retourner du cap Horn vers les tropiques.
Je m’arrêtai jusqu’à ce que le jour se levât sur l’orient de l’Asie, et repris ma course après quelque repos. Je suivis du sud au nord des deux Amériques la haute chaîne de montagnes qui en forme l’arête. Je marchais avec précaution, d’un sommet à un autre, sur des glaces éternelles et au milieu des feux que vomissaient les volcans souvent j’avais peine à respirer. Je cherchai le détroit de Behring et repassai en Asie. J’en suivis la côte orientale dans toutes ses sinuosités, examinant avec attention quelles seraient celles des îles voisines qui pourraient m’être accessibles.
De la presqu’île de Malacca mes bottes me portèrent sur les îles jusqu’à celle de Lamboc. Je m’efforçai, non sans m’exposer à de grands dangers, de me frayer, au travers des roches et des écueils dont ces mers sont remplies, une route vers Bornéo, et puis vers la Nouvelle-Hollande : il fallut y renoncer. Je m’assis enfin sur le promontoire le plus avancé de l’île que j’avais pu atteindre, et, tournant mes regards vers cette partie du monde qui m’était interdite, je me mis à pleurer, comme devant la grille d’un cachot, d’avoir sitôt rencontré les bornes qui m’étaient prescrites. En effet, la portion de la terre la plus nécessaire à l’intelligence de l’ensemble m’était fermée, et je voyais dès l’abord le fruit de mes travaux réduit à de simples fragments. Ô mon cher Adelbert, qu’est-ce donc que toute l’activité des hommes ?
Souvent, au fort de l’hiver austral, m’élançant du cap Horn, bravant le froid, la mer et les tempêtes, je me suis risqué, avec une audace téméraire, sur des glaces flottantes, et j’ai cherché à m’ouvrir par le glacier polaire un passage vers la Nouvelle-Hollande, même sans m’inquiéter du retour, et dût ce pays affreux se refermer sur moi comme mon tombeau. Mais en vain mes yeux n’ont point encore vu la Nouvelle-Hollande. Après ces tentatives infructueuses, je revenais toujours au promontoire de Lamboc, où, m’asseyant la face tournée vers le levant ou le midi, je pleurais mon impuissance.
Enfin, je m’arrachai de ce lieu, et, le cœur plein de tristesse, je rentrai dans l’intérieur de l’Asie. J’en parcourus les parties que je n’avais pas encore visitées, et je m’avançai vers l’occident en devançant l’aurore. J’étais avant le jour dans la Thébaïde, à la grotte que j’avais marquée la veille pour mon habitation. Dès que j’eus pris quelque repos, et que le jour éclaira l’Europe, je songeai à me procurer tout ce qui m’était nécessaire. D’abord il fallut songer au moyen d’enrayer ma chaussure vagabonde ; car j’avais éprouvé combien il était incommode d’être obligé de l’ôter chaque fois que je voulais raccourcir le pas, ou examiner à loisir quelque objet voisin. Des pantoufles que je mettais pardessus mes bottes produisirent exactement l’effet que je m’en étais promis, et je m’accoutumai plus tard à en avoir toujours deux paires sur moi, parce qu’il m’arrivait souvent d’en jeter une, sans avoir le temps de la ramasser, quand des lions, des hommes ou des ours m’interrompaient dans mes travaux, et me forçaient à fuir. Ma montre, qui était excellente, pouvait, dans mes courses rapides, me servir de chronomètre. J’avais encore besoin d’un sextant, de quelques instruments de physique et de quelques livres.
Je fis pour acquérir tout cela quelques courses dangereuses à Paris et à Londres. Un ciel couvert me favorisa. Quand le reste de mon or fut épuisé, j’apportai en paiement des dents d’éléphants, que j’allai chercher dans les déserts de l’Afrique, choisissant celles dont le poids n’excédait pas mes forces. Je fus bientôt pourvu de tout ce qu’il me fallait, et, je commençai mon nouveau genre de vie.
Je parcourais incessamment la terre en mesurant les hauteurs, en interrogeant les sources, en étudiant l’atmosphère. Tantôt j’observais des animaux, tantôt je recueillais des plantes ou des échantillons de roches. Je courais des tropiques aux pôles, d’un continent à l’autre, répétant ou variant mes expériences, rapprochant les productions des régions les plus éloignées, et jamais ne me lassant de comparer. Les œufs des autruches de l’Afrique et ceux des oiseaux de mer des côtes du nord formaient, avec les fruits des tropiques, ma nourriture accoutumée. La nicotiane adoucissait mon sort, et l’amour de mon fidèle barbet remplaçait pour moi les doux liens auxquels je ne pouvais plus prétendre. Quand, chargé de nouveaux trésors, je revenais vers ma demeure, ses bonds joyeux et ses caresses me faisaient encore doucement sentir que je n’étais pas seul dans le monde.
Il fallait l’aventure que je vais raconter pour me rejeter parmi les hommes.

Un jour que, sur les côtes de Norvège, mes pantoufles à mes pieds, je recueillais des lichens et des algues, je rencontrai au détour d’une falaise un ours blanc, qui se mit en devoir de m’attaquer. Je voulus pour l’éviter jeter mes pantoufles et passer sur une île éloignée, qu’une pointe de rocher à fleur d’eau s’élevant dans l’intervalle me donnait la facilité d’atteindre. Je plaçai bien le pied droit sur ce récif, mais je me précipitai de l’autre côté dans la mer, parce que ma pantoufle gauche était, par mégarde, restée à mon pied.
Le froid excessif de l’eau me saisit, et j’eus peine à me sauver du danger imminent que je courais. Dès que j’eus gagné terre, je courus au plus vite vers les déserts de la Libye, pour m’y sécher au soleil. Mais ses rayons brûlants, auxquels je m’étais inconsidérément exposé, m’incommodèrent en me donnant à plomb sur la tête. Je me rejetai d’un pas mal assuré vers le nord ; puis, cherchant par un exercice violent à me procurer quelque soulagement, je me mis à courir de toutes mes forces d’orient en occident, et d’occident en orient. Je passais incessamment du jour à la nuit et de la nuit au jour, et chancelais du nord au sud et du sud au nord, à travers tous les climats divers.
Je ne sais combien de temps je roulai ainsi d’un côté du monde à l’autre. Une fièvre ardente embrasait mon sang. Je sentais, avec la plus extrême anxiété, mes forces et ma raison m’abandonner. Le malheur voulut encore que dans cette course désordonnée je marchasse sur le pied de quelqu’un, à qui sans doute je fis mal. Je me sentis frapper, je tombai à terre, et je perdis connaissance.
J’étais, lorsque je revins à moi, mollement couché dans un bon lit, qui se trouvait au milieu de plusieurs autres, dans une salle vaste et d’une extrême propreté. Une personne était à mon chevet ; d’autres se promenaient dans la salle, allant d’un lit à l’autre. Elles vinrent au mien et s’entretinrent de moi. Elles ne me nommaient que numéro douze, et cependant sur une table de marbre noir, fixée au mur en face de moi, était écrit bien distinctement mon nom :
PIERRE SCHLÉMIHL

en grosses lettres d’or. Je ne me trompais pas, ce n’était pas une illusion, j’en comptais toutes les lettres. Au-dessous de mon nom étaient encore deux lignes d’écriture, mais les caractères en étaient plus fins, et j’étais encore trop faible pour les assembler. Je refermai les yeux.
J’entendis prononcer distinctement et à haute voix un discours dans lequel il était question de Pierre Schlémihl, mais je n’en pouvais pas encore saisir le sens. Je vis un homme d’une figure affable et une très belle femme vêtue de noir s’approcher de mon lit. Leurs physionomies ne m’étaient point étrangères ; cependant, je ne pouvais pas encore les reconnaître.
Je repris des forces peu à peu ; je m’appelais numéro douze, et numéro douze passait pour un juif à cause de sa longue barbe, mais n’en était pas pour cela traité avec moins de soin on paraissait ignorer qu’il eût perdu son ombre. On conservait, me dit-on, mes bottes avec le reste des effets trouvés sur moi à mon entrée dans la maison, pour m’être scrupuleusement restitués à ma sortie. Cette maison où l’on me soignait dans ma maladie s’appelait Schlemihlium. Ce que j’entendais réciter tous les jours était une exhortation à prier Dieu pour Pierre Schlémihl, fondateur et bienfaiteur de l’établissement. L’homme affable que j’avais vu près de mon lit était Bendel ; la dame en deuil était Mina.
Je me rétablis dans le Schlemihlium sans être reconnu, et je reçus différentes informations. J’étais dans la ville natale de Bendel, où, du reste de cet or, jadis maudit, il avait fondé sous mon nom cet hospice, dans lequel un grand nombre d’infortunés me bénissaient chaque jour. Il surveillait lui-même ce charitable établissement. Pour Mina, elle était veuve ; un malheureux procès criminel avait coûté la vie à M. Rascal et absorbé en même temps la plus grande partie de sa dot. Ses parents n’étaient plus, et elle vivait dans ce pays retirée du monde, et pratiquant les œuvres de miséricorde et de charité.
Elle s’entretenait un jour avec M. Bendel près du numéro douze :
« Pourquoi donc, madame, lui dit-il, venez-vous si souvent vous exposer à l’air dangereux qui règne ici ? Votre sort est-il donc si amer que vous cherchiez la mort ?
– Non, mon respectable ami. Rendue à moi-même, depuis que mes songes se sont dissipés, je suis satisfaite, et ne souhaite ni ne crains plus la mort. Je contemple avec une égale sérénité le passé et l’avenir ; et ne goûtez-vous pas vous-même une secrète félicité à servir aussi pieusement que vous le faites votre ancien maître et votre ami ?
– Oui, madame, grâce à Dieu. Quelle a été notre destinée ! Nous avons inconsidérément, et sans y réfléchir, épuisé toutes les joies et toutes les douleurs de la vie ; la coupe est vide aujourd’hui. Il semblerait que le seul fruit que nous ayons recueilli de l’existence fût la prudence qu’il nous eût été utile d’avoir pour en fournir la carrière, et l’on serait tenté d’attendre qu’après cette instructive répétition la scène véritable se rouvrît devant nous. Cependant une tout autre scène nous appelle, et nous ne regrettons pas les illusions qui nous ont trompés, dont nous avons joui, et dont le souvenir nous est encore cher. J’ose espérer que, comme nous, notre vieil ami est aujourd’hui plus heureux qu’il ne l’était alors.
– Je trouve en moi la même confiance », répondit la belle veuve.
Et tous deux passèrent devant mon lit et s’éloignèrent.
Cet entretien m’avait profondément affecté, et je balançais en moi-même si je me ferais connaître ou si je partirais inconnu. Enfin je me décidai ; je me fis donner du papier et un crayon, et je traçai ces mots :
« Votre vieil ami est, ainsi que vous, plus heureux aujourd’hui qu’il ne l’était alors ; et s’il expie sa faute, c’est après s’être réconcilié. »
Puis je demandai, me trouvant assez fort, à me lever. On me donna la clef d’une petite armoire qui était au chevet de mon lit : j’y retrouvai tout ce qui m’appartenait. Je m’habillai je suspendis par-dessus ma kourtke noire ma boîte à botaniser, dans laquelle je retrouvai, avec plaisir, les lichens que j’avais recueillis sur les côtes de Norvège le jour de mon accident. Je mis mes bottes, plaçai sur mon lit le billet que j’avais préparé, et, dès que les portes s’ouvrirent, j’étais loin du Schlemihlium, sur le chemin de la Thébaïde.
Comme je suivais le long des côtes de la Syrie la route que j’avais tenue la dernière fois que je m’étais éloigné de ma demeure, j’aperçus mon barbet, mon fidèle Figaro, qui venait au-devant de moi. Cet excellent animal semblait chercher, en suivant mes traces, un maître que sans doute il avait longtemps attendu en vain. Je m’arrêtai, je l’appelai, et il accourut à moi en aboyant et en me donnant mille témoignages touchants de sa joie. Je le pris dans mes bras, car assurément il ne pouvait suivre, et je le portai jusque dans ma cellule.
Je revis ce séjour avec une joie difficile à exprimer ; j’y retrouvai tout en ordre, et je repris, petit à petit, et à mesure que je recouvrais mes forces, mes occupations accoutumées et mon ancien genre de vie. Mais le froid des pôles ou des hivers des zones tempérées me fut longtemps insupportable.
Mon existence, mon cher Adelbert, est encore aujourd’hui la même. Mes bottes ne s’usent point, elles ne perdent rien de leur vertu, quoique la savante édition que Tickius nous a donnée de rebus gestis Pollicilli me l’ait d’abord fait craindre. Moi seul je m’use avec l’âge ; mais j’ai du moins la consolation d’employer ces forces que je sens décliner à poursuivre avec persévérance le but que je me suis proposé. Tant que mes bottes m’ont porté, j’ai étudié notre globe, sa forme, sa température, ses montagnes, les variations de son atmosphère, sa force magnétique, les genres et les espèces des êtres organisés qui l’habitent. J’ai déposé les faits avec ordre et clarté dans plusieurs ouvrages, et j’ai noté en passant, sur quelques feuilles volantes, les résultats auxquels ils m’ont conduit, et les conjectures qui se sont offertes à mon imagination Je prendrai soin qu’avant ma mort mes manuscrits soient remis à l’université de Berlin.
Enfin, mon cher Adelbert, c’est toi que j’ai choisi pour dépositaire de ma merveilleuse histoire, dans laquelle, lorsque j’aurai disparu de dessus la terre, plusieurs de ses habitants pourront trouver encore d’utiles leçons. Quant à toi, mon ami, si tu veux vivre parmi les hommes, apprends à révérer d’abord l’ombre, ensuite l’argent. Mais si tu ne veux vivre que pour toi et ne satisfaire qu’à la noblesse de ton être, tu n’as besoin d’aucun conseil.
Explicit

Adelbert Von Chamisso,
La merveilleuse histoire de Peter Schlemihl, 1813.
Traduction de 1838, Hippolyte von Chamisso



Et dans le texte allemand
IX. Ich saß da ohne Schatten und ohne Geld; aber ein schweres Gewicht war von meiner Brust genommen, ich war heiter. Hätte ich nicht auch meine Liebe verloren, oder hätt ich mich nur bei deren Verlust vorwurfsfrei gefühlt, ich glaube, ich hätte glücklich sein können – ich wußte aber nicht, was ich anfangen sollte. Ich durchsuchte meine Taschen und fand noch einige Goldstücke darin; ich zählte sie und lachte. – Ich hatte meine Pferde unten im Wirtshause, ich schämte mich, dahin zurückzukehren, ich mußte wenigstens den Untergang der Sonne erwarten; sie stand noch hoch am Himmel. Ich legte mich in den Schatten der nächsten Bäume und schlief ruhig ein.
Anmutige Bilder verwoben sich mir im luftigen Tanze zu einem gefälligen Traum. Mina, einen Blumenkranz in den Haaren, schwebte an mir vorüber, und lächelte mich freundlich an. Auch der ehrliche Bendel war mit Blumen bekränzt, und eilte mit freundlichem Gruße vorüber. Viele sah ich noch, und wie mich dünkt, auch Dich, Chamisso, im fernen Gewühl; ein helles Licht schien, es hatte aber keiner einen Schatten, und was seltsamer ist, es sah nicht übel aus, – Blumen und Lieder, Liebe und Freude, unter Palmenhainen. – – Ich konnte die beweglichen, leicht verwehten, lieblichen Gestalten weder festhalten noch deuten; aber ich weiß, daß ich gerne solchen Traum träumte und mich vor dem Erwachen in acht nahm; ich wachte wirklich schon, und hielt noch die Augen zu, um die weichenden Erscheinungen länger vor meiner Seele zu behalten.
Ich öffnete endlich die Augen, die Sonne stand noch am Himmel, aber im Osten; ich hatte die Nacht verschlafen. Ich nahm es für ein Zeichen, daß ich nicht nach dem Wirtshause zurückkehren sollte. Ich gab leicht, was ich dort noch besaß, verloren, und beschloß, eine Nebenstraße, die durch den waldbewachsenen Fuß des Gebirges führte, zu Fuß einzuschlagen, dem Schicksal es anheim stellend, was es mit mir vorhatte, zu erfüllen. Ich schaute nicht hinter mich zurück, und dachte auch nicht daran, an Bendel, den ich reich zurückgelassen hatte, mich zu wenden, welches ich allerdings gekonnt hätte. Ich sah mich an auf den neuen Charakter, den ich in der Welt bekleiden sollte: mein Anzug war sehr bescheiden. Ich hatte eine alte schwarze Kurtka an, die ich schon in Berlin getragen, und die mir, ich weiß nicht wie, zu dieser Reise erst wieder in die Hand gekommen war. Ich hatte sonst eine Reisemütze auf dem Kopf und ein Paar alte Stiefeln an den Füßen. Ich erhob mich, schnitt mir an selbiger Stelle einen Knotenstock zum Andenken, und trat sogleich meine Wanderung an.
Ich begegnete im Wald einem alten Bauer, der mich freundlich begrüßte, und mit dem ich mich in Gespräch einließ. Ich erkundigte mich, wie ein wißbegieriger Reisender, erst nach dem Wege, dann nach der Gegend und deren Bewohnern, den Erzeugnissen des Gebirges und derlei mehr. Er antwortete verständig und redselig auf meine Fragen. Wir kamen an das Bette eines Bergstromes, der über einen weiten Strich des Waldes seine Verwüstung verbreitet hatte. Mich schauderte innerlich vor dem sonnenhellen Raum; ich ließ den Landmann vorangehen. Er hielt aber mitten im gefährlichen Orte still und wandte sich zu mir, um mir die Geschichte dieser Verwüstung zu erzählen. Er bemerkte bald, was mir fehlte, und hielt mitten in seiner Rede ein: »Aber wie geht denn das zu, der Herr hat ja keinen Schatten!« – »Leider! leider!« erwiderte ich seufzend. »Es sind mir während einer bösen langen Krankheit, Haare, Nägel und Schatten ausgegangen. Seht, Vater, in meinem Alter, die Haare, die ich wieder gekriegt habe, ganz weiß, die Nägel sehr kurz, und der Schatten, der will noch nicht wieder wachsen.« – »Ei! ei!« versetzte der alte Mann kopfschüttelnd, »keinen Schatten, das ist bös! das war eine böse Krankheit, die der Herr gehabt hat.« Aber er hub seine Erzählung nicht wieder an, und bei dem nächsten Querweg, der sich darbot, ging er, ohne ein Wort zu sagen, von mir ab. – Bittere Tränen zitterten aufs neue auf meinen Wangen, und meine Heiterkeit war hin.
Ich setzte traurigen Herzens meinen Weg fort und suchte ferner keines Menschen Gesellschaft. Ich hielt mich im dunkelsten Walde, und mußte manchmal, um über einen Strich, wo die Sonne schien, zu kommen, stundenlang darauf warten, daß mir keines Menschen Auge den Durchgang verbot. Am Abend suchte ich Herberge in den Dörfern zu nehmen. Ich ging eigentlich nach einem Bergwerk im Gebirge, wo ich Arbeit unter der Erde zu finden gedachte; denn, davon abgesehen, daß meine jetzige Lage mir gebot, für meinen Lebensunterhalt selbst zu sorgen, hatte ich dieses wohl erkannt, daß mich allein angestrengte Arbeit gegen meine zerstörenden Gedanken schützen könnte.
Ein paar regnichte Tage förderten mich leicht auf dem Weg, aber auf Kosten meiner Stiefel, deren Sohlen für den Grafen Peter, und nicht für den Fußknecht berechnet worden. Ich ging schon auf den bloßen Füßen. Ich mußte ein Paar neue Stiefel anschaffen. Am nächsten Morgen besorgte ich dieses Geschäft mit vielem Ernst in einem Flecken, wo Kirmeß war, und wo in einer Bude alte und neue Stiefel zu Kauf standen. Ich wählte und handelte lange. Ich mußte auf ein Paar neue, die ich gern gehabt hätte, Verzicht leisten; mich schreckte die unbillige Forderung. Ich begnügte mich also mit alten, die noch gut und stark waren, und die mir der schöne blondlockige Knabe, der die Bude hielt, gegen gleich bare Bezahlung, freundlich lächelnd einhändigte, indem er mir Glück auf den Weg wünschte. Ich zog sie gleich an und ging zum nördlich gelegenen Tor aus dem Ort.
Ich war in meinen Gedanken sehr vertieft, und sah kaum, wo ich den Fuß hinsetzte, denn ich dachte an das Bergwerk, wo ich auf den Abend noch anzulangen hoffte, und wo ich nicht recht wußte, wie ich mich ankündigen sollte. Ich war noch keine zweihundert Schritte gegangen, als ich bemerkte, daß ich aus dem Wege gekommen war; ich sah mich danach um, ich befand mich in einem wüsten, uralten Tannenwalde, woran die Axt nie gelegt worden zu sein schien. Ich drang noch einige Schritte vor, ich sah mich mitten unter öden Felsen, die nur mit Moos und Steinbrecharten bewachsen waren, und zwischen welchen Schnee- und Eisfelder lagen. Die Luft war sehr kalt, ich sah mich um, der Wald war hinter mir verschwunden. Ich machte noch einige Schritte – um mich herrschte die Stille des Todes, unabsehbar dehnte sich das Eis, worauf ich stand, und worauf ein dichter Nebel schwer ruhte; die Sonne stand blutig am Rande des Horizontes. Die Kälte war unerträglich. Ich wußte nicht, wie mir geschehen war, der erstarrende Frost zwang mich, meine Schritte zu beschleunigen, ich vernahm nur das Gebrause ferner Gewässer, ein Schritt, und ich war am Eisufer eines Ozeans. Unzählbare Herden von Seehunden stürzten sich vor mir rauschend in die Flut. Ich folgte diesem Ufer, ich sah wieder nackte Felsen, Land, Birken- und Tannenwälder, ich lief noch ein paar Minuten gerade vor mir hin. Es war erstickend heiß, ich sah mich um, ich stand zwischen schön gebauten Reisfeldern unter Maulbeerbäumen. Ich setzte mich in deren Schatten, ich sah nach meiner Uhr, ich hatte vor nicht einer Viertelstunde den Marktflecken verlassen, – ich glaubte zu träumen, ich biß mich in die Zunge, um mich zu erwecken; aber ich wachte wirklich. – Ich schloß die Augen zu, um meine Gedanken zusammen zu fassen. – Ich hörte vor mir seltsame Sylben durch die Nase zählen; ich blickte auf: zwei Chinesen, an der asiatischen Gesichtsbildung unverkennbar, wenn ich auch ihrer Kleidung keinen Glauben beimessen wollte, redeten mich mit landesüblichen Begrüßungen in ihrer Sprache an; ich stand auf und trat zwei Schritte zurück. Ich sah sie nicht mehr, die Landschaft war ganz verändert: Bäume, Wälder, statt der Reisfelder. Ich betrachtete diese Bäume und die Kräuter, die um mich blühten; die ich kannte, waren südöstlich asiatische Gewächse; ich wollte auf den einen Baum zugehen, ein Schritt – und wiederum alles verändert. Ich trat nun an, wie ein Rekrut, der geübt wird, und schritt langsam, gesetzt einher. Wunderbar veränderliche Länder, Fluren, Auen, Gebirge, Steppen, Sandwüsten, entrollen sich vor meinem staunenden Blick: es war kein Zweifel, ich hatte Siebenmeilenstiefel an den Füßen.
X
Ich fiel in stummer Andacht auf meine Knie und vergoß Tränen des Dankes – denn klar stand plötzlich meine Zukunft vor meiner Seele. Durch frühe Schuld von der menschlichen Gesellschaft ausgeschlossen, ward ich zum Ersatz an die Natur, die ich stets geliebt, gewiesen, die Erde mir zu einem reichen Garten gegeben, das Studium zur Richtung und Kraft meines Lebens, zu ihrem Ziel die Wissenschaft. Es war nicht ein Entschluß, den ich faßte. Ich habe nur seitdem, was da hell und vollendet im Urbild vor mein inneres Auge trat, getreu mit stillem, strengen, unausgesetzten Fleiß darzustellen gesucht, und meine Selbstzufriedenheit hat von dem Zusammenfallen des Dargestellten mit dem Urbild abgehangen.
Ich raffte mich auf, um ohne Zögern mit flüchtigem Überblick Besitz von dem Felde zu nehmen, wo ich künftig ernten wollte. – Ich stand auf den Höhen des Tibet, und die Sonne, die mir vor wenigen Stunden aufgegangen war, neigte sich hier schon am Abendhimmel, ich durchwanderte Asien von Osten gegen Westen, sie in ihrem Lauf einholend, und trat in Afrika ein. Ich sah mich neugierig darin um, indem ich es wiederholt in allen Richtungen durchmaß. Wie ich durch Ägypten die alten Pyramiden und Tempel angaffte, erblickte ich in der Wüste, unfern des hunderttorigen Theben, die Höhlen, wo christliche Einsiedler sonst wohnten. Es stand plötzlich fest und klar in mir, hier ist dein Haus. – Ich erkor eine der verborgensten, die zugleich geräumig, bequem und den Schakalen unzugänglich war, zu meinem künftigen Aufenthalte, und setzte meinen Stab weiter.
Ich trat bei den Herkules-Säulen nach Europa über, und nachdem ich seine südlichen und nördlichen Provinzen in Augenschein genommen, trat ich von Nordasien über den Polarglätscher nach Grönland und Amerika über, durchschweifte die beiden Teile dieses Kontinents, und der Winter, der schon im Süden herrschte, trieb mich schnell vom Kap Horn nordwärts zurück.
Ich verweilte mich, bis es im östlichen Asien Tag wurde, und setzte erst nach einiger Ruh meine Wanderung fort. Ich verfolgte durch beide Amerika die Bergkette, die die höchsten bekannten Unebenheiten unserer Kugel in sich faßt. Ich schritt langsam und vorsichtig von Gipfel zu Gipfel, bald über flammende Vulkane, bald über beschneite Kuppeln, oft mit Mühe atmend, ich erreichte den Eliasberg, und sprang über die Beringstraße nach Asien. – Ich verfolgte dessen westliche Küsten in ihren vielfachen Wendungen, und untersuchte mit besonderer Aufmerksamkeit, welche der dort gelegenen Inseln mir zugänglich wären. Von der Halbinsel Malakka trugen mich meine Stiefel auf Sumatra, Java, Bali und Lamboc, ich versuchte, selbst oft mit Gefahr, und dennoch immer vergebens, mir über die kleinern Inseln und Felsen, wovon dieses Meer starrt, einen Übergang nordwestlich nach Borneo und andern Inseln dieses Archipelagus zu bahnen. Ich mußte die Hoffnung aufgeben. Ich setzte mich endlich auf die äußerste Spitze von Lamboc nieder, und das Gesicht gegen Süden und Osten gewendet, weint ich wie am festverschlossenen Gitter meines Kerkers, daß ich doch so bald meine Begrenzung gefunden. Das merkwürdige, zum Verständnis der Erde und ihres sonnengewirkten Kleides, der Pflanzen- und Tierwelt, so wesentlich notwendige Neuholland und die Südsee mit ihren Zoophyten-Inseln waren mir untersagt, und so war, im Ursprunge schon, alles, was ich sammeln und erbauen sollte, bloßes Fragment zu bleiben verdammt. – O mein Adelbert, was ist es doch um die Bemühungen der Menschen!
Oft habe ich im strengsten Winter der südlichen Halbkugel vom Kap Horn aus jene zweihundert Schritte, die mich etwa vom Land van Diemen und Neuholland trennten, selbst unbekümmert um die Rückkehr, und sollte sich dieses schlechte Land über mich, wie der Deckel meines Sarges, schließen, über den Polarglätscher westwärts zurück zu legen versucht, habe über Treibeis mit törichter Wagnis verzweiflungsvolle Schritte getan, der Kälte und dem Meere Trotz geboten. Umsonst, noch bin ich auf Neuholland nicht gewesen – ich kam dann jedesmal auf Lamboc zurück und setzte mich auf seine äußerste Spitze nieder, und weinte wieder, das Gesicht gen Süden und Osten gewendet, wie am fest verschlossenen Gitter meines Kerkers.
Ich riß mich endlich von dieser Stelle, und trat mit traurigem Herzen wieder in das innere Asien, ich durchschweifte es fürder, die Morgendämmerung nach Westen verfolgend, und kam noch in der Nacht in die Thebais zu meinem vorbestimmten Hause, das ich in den gestrigen Nachmittagsstunden berührt hatte.
Sobald ich etwas ausgeruht und es Tag über Europa war, ließ ich meine erste Sorge sein, alles anzuschaffen, was ich bedurfte. – Zuvörderst Hemmschuhe, denn ich hatte erfahren, wie unbequem es sei, seinen Schritt nicht anders verkürzen zu können, um nahe Gegenstände gemächlich zu untersuchen, als indem man die Stiefel auszieht. Ein Paar Pantoffeln, übergezogen, hatten völlig die Wirkung, die ich mir davon versprach, und späterhin trug ich sogar deren immer zwei Paar bei mir, weil ich öfters welche von den Füßen warf, ohne Zeit zu haben, sie aufzuheben, wenn Löwen, Menschen oder Hyänen mich beim Botanisieren aufschreckten. Meine sehr gute Uhr war auf die kurze Dauer meiner Gänge ein vortreffliches Kronometer. Ich brauchte noch außerdem einen Sextanten, einige physikalische Instrumente und Bücher.
Ich machte, dieses alles herbei zu schaffen, etliche bange Gänge nach London und Paris, die ein mir günstiger Nebel eben beschattete. Als der Rest meines Zaubergoldes erschöpft war, bracht ich leicht zu findendes afrikanisches Elfenbein als Bezahlung herbei, wobei ich freilich die kleinsten Zähne, die meine Kräfte nicht überstiegen, auswählen mußte. Ich ward bald mit allem versehen und ausgerüstet, und ich fing sogleich als privatisierender Gelehrter meine neue Lebensweise an.
Ich streifte auf der Erde umher, bald ihre Höhen, bald die Temperatur ihrer Quellen und die der Luft messend, bald Tiere beobachtend, bald Gewächse untersuchend; ich eilte von dem Äquator nach dem Pole, von der einen Welt nach der andern; Erfahrungen mit Erfahrungen vergleichend. Die Eier der afrikanischen Strauße oder der nördlichen Seevögel und Früchte, besonders der Tropen-Palmen und Bananen, waren meine gewöhnlichste Nahrung. Für mangelndes Glück hatt ich als Surrogat die Nicotiana, und für menschliche Teilnahme und Bande der Liebe eines treuen Pudels, der mir meine Höhle in der Thebais bewachte, und wenn ich mit neuen Schätzen beladen zu ihm zurückkehrte, freudig an mich sprang, und es mich doch menschlich empfinden ließ, daß ich nicht allein auf der Erde sei. Noch sollte mich ein Abenteuer unter die Menschen zurückführen.
XI
Als ich einst auf Nordlands Küsten, meine Stiefel gehemmt, Flechten und Algen sammelte, trat mir unversehens um die Ecke eines Felsens ein Eisbär entgegen. Ich wollte, nach weggeworfenen Pantoffeln, auf eine gegenüber liegende Insel treten, zu der mir ein dazwischen aus den Wellen hervorragender nackter Felsen den Übergang bahnte. Ich trat mit dem einen Fuß auf den Felsen fest auf, und stürzte auf der andern Seite in das Meer, weil mir unbemerkt der Pantoffel am anderen Fuß haften geblieben war.
Die große Kälte ergriff mich, ich rettete mit Mühe mein Leben aus dieser Gefahr; sobald ich Land hielt, lief ich, so schnell ich konnte, nach der Libyschen Wüste, um mich da an der Sonne zu trocknen. Wie ich ihr aber ausgesetzt war, brannte sie mir so heiß auf den Kopf, daß ich sehr krank wieder nach Norden taumelte. Ich suchte durch heftige Bewegung mir Erleichterung zu verschaffen, und lief mit unsichern raschen Schritten von Westen nach Osten und von Osten nach Westen. Ich befand mich bald in dem Tag und bald in der Nacht; bald im Sommer und bald in der Winterkälte.
Ich weiß nicht, wie lange ich mich so auf der Erde herumtaumelte. Ein brennendes Fieber glühte durch meine Adern, ich fühlte mit großer Angst die Besinnung mich verlassen. Noch wollte das Unglück, daß ich bei so unvorsichtigem Laufen jemanden auf den Fuß trat. Ich mochte ihm weh getan haben; ich erhielt einen starken Stoß und ich fiel hin.
Als ich zuerst zum Bewußtsein zurückkehrte, lag ich gemächlich in einem guten Bette, das unter vielen andern Betten in einem geräumigen und schönen Saale stand. Es saß mir jemand zu Häupten; es gingen Menschen durch den Saal von einem Bette zum andern. Sie kamen vor das meine und unterhielten sich von mir. Sie nannten mich aber Numero Zwölf, und an der Wand zu meinen Füßen stand doch ganz gewiß, es war keine Täuschung, ich konnte es deutlich lesen, auf schwarzer Marmortafel mit großen goldenen Buchstaben mein Name
Peter Schlemihl
ganz richtig geschrieben. Auf der Tafel standen noch unter meinem Namen zwei Reihen Buchstaben, ich war aber zu schwach, um sie zusammen zu bringen, ich machte die Augen wieder zu.
Ich hörte etwas, worin von Peter Schlemihl die Rede war, laut und vernehmlich ablesen, ich konnte aber den Sinn nicht fassen; ich sah einen freundlichen Mann und eine sehr schöne Frau in schwarzer Kleidung vor meinem Bette erscheinen. Die Gestalten waren mir nicht fremd und ich konnte sie nicht erkennen.
Es verging einige Zeit, und ich kam wieder zu Kräften. Ich hieß Numero Zwölf, und Numero Zwölf galt seines langen Bartes wegen für einen Juden, darum er aber nicht minder sorgfältig gepflegt wurde. Daß er keinen Schatten hatte, schien unbemerkt geblieben zu sein. Meine Stiefel befanden sich, wie man mich versicherte, nebst allem, was man bei mir gefunden, als ich hieher gebracht worden, in gutem und sicherm Gewahrsam, um mir nach meiner Genesung wieder zugestellt zu werden. Der Ort, worin ich krank lag, hieß das SCHLEMIHLIUM; was täglich von Peter Schlemihl abgelesen wurde, war eine Ermahnung, für denselben, als den Urheber und Wohltäter dieser Stiftung, zu beten. Der freundliche Mann, den ich an meinem Bette gesehen hatte, war Bendel, die schöne Frau war Mina.
Ich genas unerkannt im Schlemihlio, und erfuhr noch mehr, ich war in Bendels Vaterstadt, wo er aus dem Überrest meines sonst nicht gesegneten Goldes dieses Hospitium, wo Unglückliche mich segneten, unter meinem Namen gestiftet hatte, und er führte über dasselbe die Aufsicht. Mina war Witwe, ein unglücklicher Kriminal-Prozeß hatte dem Herrn Rascal das Leben und ihr selbst ihr mehrstes Vermögen gekostet. Ihre Eltern waren nicht mehr. Sie lebte hier als eine gottesfürchtige Witwe, und übte Werke der Barmherzigkeit.
Sie unterhielt sich einst am Bette Numero Zwölf mit dem Herrn Bendel: »Warum, edle Frau, wollen Sie sich so oft der bösen Luft, die hier herrscht, aussetzen? Sollte denn das Schicksal mit Ihnen so hart sein, daß Sie zu sterben begehrten?« – »Nein, Herr Bendel, seit ich meinen langen Traum ausgeträumt habe, und in mir selber erwacht bin, geht es mir wohl, seitdem wünsche ich nicht mehr und fürchte nicht mehr den Tod. Seitdem denke ich heiter an Vergangenheit und Zukunft. Ist es nicht auch mit stillem innerlichen Glück, daß Sie jetzt auf so gottselige Weise Ihrem Herrn und Freunde dienen?« – »Sei Gott gedankt, ja, edle Frau. Es ist uns doch wundersam ergangen, wir haben viel Wohl und bitteres Weh unbedachtsam aus dem vollen Becher geschlürft. Nun ist er leer; nun möchte einer meinen, das sei alles nur die Probe gewesen, und, mit kluger Einsicht gerüstet, den wirklichen Anfang erwarten. Ein anderer ist nun der wirkliche Anfang, und man wünscht das erste Gaukelspiel nicht zurück, und ist dennoch im ganzen froh, es, wie es war, gelebt zu haben. Auch find ich in mir das Zutrauen, daß es nun unserm alten Freunde besser ergehen muß, als damals.« – »Auch in mir«, erwiderte die schöne Witwe, und sie gingen an mir vorüber.
Dieses Gespräch hatte einen tiefen Eindruck in mir zurückgelassen; aber ich zweifelte im Geiste, ob ich mich zu erkennen geben oder unerkannt von dannen gehen sollte. – Ich entschied mich. Ich ließ mir Papier und Bleistift geben, und schrieb die Worte:
»Auch Eurem alten Freunde ergeht es nun besser als damals, und büßet er, so ist es Buße der Versöhnung.«
Hierauf begehrte ich mich anzuziehen, da ich mich stärker befände. Man holte den Schlüssel zu dem kleinen Schrank, der neben meinem Bette stand, herbei. Ich fand alles, was mir gehörte, darin. Ich legte meine Kleider an, hing meine botanische Kapsel, worin ich mit Freuden meine nordischen Flechten wieder fand, über meine schwarze Kurtka um, zog meine Stiefel an, legte den geschriebenen Zettel auf mein Bett, und so wie die Tür aufging, war ich schon weit auf dem Wege nach der Thebais.
Wie ich längs der syrischen Küste den Weg, auf dem ich mich zum letzten Mal vom Hause entfernt hatte, zurücklegte, sah ich mir meinen armen Figaro entgegen kommen. Dieser vortreffliche Pudel schien seinem Herrn, den er lange zu Hause erwartet haben mochte, auf der Spur nachgehen zu wollen. Ich stand still und rief ihm zu. Er sprang bellend an mich mit tausend rührenden Äußerungen seiner unschuldigen ausgelassenen Freude. Ich nahm ihn unter den Arm, denn freilich konnte er mir nicht folgen, und brachte ihn mit mir wieder nach Hause.
Ich fand dort alles in der alten Ordnung, und kehrte nach und nach, so wie ich wieder Kräfte bekam, zu meinen vormaligen Beschäftigungen und zu meiner alten Lebensweise zurück. Nur daß ich mich ein ganzes Jahr hindurch der mir ganz unzuträglichen Polar-Kälte enthielt.
Und so, mein lieber Chamisso, leb ich noch heute. Meine Stiefel nutzen sich nicht ab, wie das sehr gelehrte Werk des berühmten Tieckius, »De rebus gestis Pollicilli«, es mich anfangs befürchten lassen. Ihre Kraft bleibt ungebrochen; nur meine Kraft geht dahin, doch hab ich den Trost, sie an einen Zweck in fortgesetzter Richtung und nicht fruchtlos verwendet zu haben. Ich habe, so weit meine Stiefel gereicht, die Erde, ihre Gestaltung, ihre Höhen, ihre Temperatur, ihre Atmosphäre in ihrem Wechsel, die Erscheinungen ihrer magnetischen Kraft, das Leben auf ihr, besonders im Pflanzenreiche, gründlicher kennen gelernt, als vor mir irgend ein Mensch. Ich habe die Tatsachen mit möglichstes Genauigkeit in klarer Ordnung aufgestellt in mehrern Werken, meine Folgerungen und Ansichten flüchtig in einigen Abhandlungen niedergelegt. – Ich habe die Geographie vom Innern von Afrika und von den nördlichen Polarländern, vom Innern von Asien und von seinen östlichen Küsten, festgesetzt. Meine »Historia stirpium plantarum utriusque orbis« steht da als ein großes Fragment der Flora universalis terrae, und als ein Glied meines Systema naturae. Ich glaube darin nicht bloß die Zahl der bekannten Arten müßig um mehr als ein Drittel vermehrt zu haben, sondern auch etwas für das natürliche System und für die Geographie der Pflanzen getan zu haben. Ich arbeite jetzt fleißig an meiner Fauna. Ich werde Sorge tragen, daß vor meinem Tode meine Manuskripte bei der Berliner Universität niedergelegt werden.
Und Dich, mein lieber Chamisso, hab ich zum Bewahrer meiner wundersamen Geschichte erkoren, auf daß sie vielleicht, wenn ich von der Erde verschwunden bin, manchen ihrer Bewohner zur nützlichen Lehre gereichen könne. Du aber, mein Freund, willst Du unter den Menschen leben, so lerne verehren zuvörderst den Schatten, sodann das Geld. Willst Du nur Dir und Deinem bessern Selbst leben, o so brauchst Du keinen Rat.
Explicit.

Adelbert von Chamisso,
Peter Schlemihls wundersame Geschichte, 1813.