Mise en place du dispositif. Le point de départ: la photo
C’est à partir du making of de l’exposition Livre/Louvre (2012), dont vous voyez une capture d’écran, que l’idée nous est venue de nous intéresser de plus près aux 7 écrivains qui y figurent (debouts, de gauche à droite: Bayard, Rolin, Torres, Carrère, Toussaint; assis, de gauche à droite: Échenoz, Djian). En cliquant ici vous pourrez visionner la petite vidéo et vous l’entendrez, Toussaint insiste bien, il tient à le notifier dès le titre : cette rencontre, que fige la photo (ou cette photo qui fige un moment), ne fonde ni une école, ni un mouvement littéraire. C’est une rencontre de hasard, une prise de vue à l’improviste… Delacroix en est la figure tutélaire (vous avez vu la vidéo, nous n'allons pas tout vous réexpliquer) parce qu’entre Beckett, Baudelaire, ou un autre, comment décider, et puis parce que décider ce serait donner une ligne, figer ce qui ne doit pas l’être. C’est un jeu, une comédie qui ne dit rien de plus que ce qu’elle montre : des écrivains jouant à poser pour un ami lui-même écrivain (quel hasard), au Louvre.
Qui le croira ?
Et pourquoi ne pas entrer dans ce jeu, en déjouer les ruses et prétendre qu’un lien unit fortement ceux-là qui disent n’être là que par les hasards des rencontres et des amitiés ? C’est ce que nous avons voulu faire. Nous avons choisi pour chacun une œuvre, pas plus, et nous y avons cherché la lumière. Nous avons construit les fils narratifs qui les relient et joué au jeu des analyses littéraires (notes de travail, promenades dans les textes, théorisations, exégèses, divinations…). Nous sommes maintenant convaincues que leur rencontre hasardeuse a déjà eu lieu, il y a bien longtemps, dans la forêt de Dante, quand c’était la nuit.
Sophie Saulnier et Agnès Jauffrès
Nota Bene. Toute incursion dans une forêt (surtout si elle est dantesque), est périlleuse ; si vous ne voulez pas vous y perdre, nous vous conseillons de mener votre lecture catégorie par catégorie, dans l’ordre que nous avons établi.
Mise en place du dispositif. Première étape: la lettre à Jean-Philippe Toussaint.
A l’occasion de l’alliance éphémère du Lampadaire et des trois lustres de Faire l’amour, nous sommes allées sur votre site visiter votre exposition du Louvre « La main et le regard ».
La rencontre de quelques amis écrivains qui passaient ce jour-là par hasard à qui vous avez demandé de poser avec vous à l’improviste devant un autoportrait de Delacroix, ne pouvait que nous captiver, nous amuser, exciter notre esprit, nous inciter à entrer dans votre dispositif.
Nous nous sommes dit que ce même hasard pourrait peut-être provoquer une nouvelle rencontre, mais cette fois-ci sous un lampadaire.
Entre la place importante que vous accordez à vos lustres dans Faire l’amour (et dans votre exposition), les titres choisis par Jean Echenoz, Des éclairs, et par Olivier Rolin, Un éclair puis la nuit, il y a quelque chose qui se joue autour de la lumière. Fortes de cette première hypothèse, nous avons mené l’enquête plus loin. Nous avons vu l’exposition de Pascal Torrès Nox erat - 7 & la nuit (les 7 auteurs du groupe que vous formez…), repéré l’opposition entre grisaille soviétique et enseignes lumineuses du monde occidental dans le Limonov de Carrère, trouvé un lustre agressif chez Djian (Sainte-Bob), observé que le Grégor de Echenoz avait inventé le néon dont vous vous servez ainsi que Torrès, que c’est le même éclair en forme d’arbre (Torres) qui préside à la naissance de Grégor (Echenoz) et cause la mort du Miller de Suzanne (Rolin). Et, quant à Bayard, s’il n’a rien écrit sur la lumière (mais peut-être pourrait-il nous dire que oui), rien ne l’empêche d’écrire sur ce qu’il n’a pas écrit.
Nous avons bien compris que cette amitié qui vous réunit ne fonde pas une école littéraire et nous ne prétendons pas vous réunir par un lien que vous-mêmes ne voulez pas établir, mais ce qui est fait est fait, votre photo existe, elle est exposée dans un musée, elle donnera à penser, elle invite à la réflexion. Qu’est-ce que ces écrivains ont en commun?
Nous proposons une réponse, une réponse hasardeuse, créée par le faux hasard de votre rencontre, par la rencontre avec le Lampadaire. Mais si c’était sérieux ? Si c’était la lumière ?
Nous proposons de vous créer une légende.
Les extraits que nous avons sélectionnés sont prêts, le fil qui les relie aussi, mais avant de passer à l’étape finale de publication sur le site du Lampadaire, nous souhaiterions avoir votre aval : nous nous demandons si vous voudriez bien entrer dans notre jeu. Le dispositif trouverait son accomplissement si vous y participiez, ce qui supposerait que vos six amis écrivains acceptent eux aussi, comme ils ont accepté de poser pour votre photo.
Cette participation pourrait prendre différentes formes ;
-une forme minimale : les sept écrivains de la photo pourraient nous donner un accord de principe, auquel nous pourrions nous référer dans notre publication ; vous tous n’auriez alors rien d’autre à faire, juste vous amuser à lire les jeux de miroir que nous avons mis en place, y chercher liens et différences, vous en étonner peut-être et, nous l’espérons, vous y reconnaître ;
- une clé de voute : l’écriture d’un texte collectif sur les rapports que vos écritures respectives entretiennent avec la lumière et les objets qui la propagent, textes que nous pourrions mettre en préambule à notre publication ;
- vous glissez à l’intérieur de cette fiction : l’un d’entre vous (peut-être Pierre Bayard, ou celui de vous qui en aurait envie) raconterait votre rencontre dans la forêt de Dante.
Evidemment, nous sommes ouvertes à toute autre proposition ou suggestion.
Si notre idée vous amuse, nous nous ferons un plaisir de vous envoyer ce mini dossier. Nous espérons qu’il vous convaincra et qu’il vous donnera envie d’y participer d’une manière ou d’une autre.
Sophie Saulnier
Mise en place du dispositif. Deuxième étape: la lettre aux 6 auteurs ayant posé sur la photo de Jean-Philippe Toussaint.
Bayard, Carrère, Djian, Echenoz, Rolin, Torres
Le Lampadaire est un nouveau site littéraire qui se donne pour programme de mêler auteurs connus (du patrimoine ou contemporains) et nouveaux auteurs.
Le site explore les potentialités du numérique. Nous avons fait le choix de publier des textes courts : extraits d’œuvres ou œuvres brèves. Il est organisé en rubriques dont une « Sur la lumière ». Quoi d’étonnant pour un lampadaire ?
Les premiers textes que nous y avons faits figurer sont ceux de Roussel, Cendrars et Nerval ; passages oscillant entre catastrophe et acte créateur. Dernièrement, dans cette même rubrique, nous avons publié, avec son autorisation, deux extraits de Faire l’amour de Jean-Philippe Toussaint (les deux passages sur les trois lustres vacillants de l’hôtel de Tokyo) ; nous les avons accompagné des variantes, de la photo des lustres et d’un extrait du film Faire l'amour, une lecture japonaise.
Nous aimerions prolonger ce travail en entrant dans le dispositif mis en place par Jean-Philippe Toussaint dans son portrait de groupe Quelques amis écrivains qui passaient ce jour-là au Louvre par hasard à qui j’ai demandé de poser avec moi autour d’un autoportrait de Delacroix.
Nous avons bien compris que cette amitié qui vous réunit ne fonde pas une école littéraire et nous ne prétendons pas vous réunir par un lien que vous-mêmes ne voulez pas établir, mais ce qui est fait est fait, la photo existe, elle est exposée dans un musée, elle donnera à penser, elle invite à la réflexion. Qu’est-ce que ces écrivains ont en commun?
Si c’était la lumière ?
Entre la place importante que Jean-Philippe Toussaint accorde aux trois lustres dans Faire l’amour (et dans son exposition), les titres choisis par Jean Echenoz, Des éclairs, et par Olivier Rolin, Un éclair puis la nuit, il y a quelque chose qui se joue autour de la lumière. Fortes de cette première hypothèse, nous avons mené l’enquête plus loin. Nous avons vu l’exposition de Pascal Torres Nox erat - 7 & la nuit (les 7 auteurs du groupe que vous formez…), repéré l’opposition entre grisaille soviétique et enseignes lumineuses du monde occidental dans le Limonov de Carrère, trouvé un lustre agressif chez Djian (Sainte-Bob), observé que le Grégor de Echenoz avait inventé le néon utilisé par Toussaint et Torres, que c’est le même éclair en forme d’arbre (Torres) qui préside à la naissance de Grégor (Echenoz) et cause la mort du Miller de Suzanne (Rolin). Et, quant à Bayard, s’il n’a rien écrit sur la lumière (mais peut-être pourrait-il nous dire que oui), rien ne l’empêche d’écrire sur ce qu’il n’a pas écrit.
Nous proposons de vous créer une légende.
Tout est prêt : sélection des extraits et fil qui les relie. Nous avons contacté Jean-Philippe Toussaint qui nous a donné son accord de principe et l’autorisation d’utiliser des extraits de ses romans. Mais avant de passer à l’étape finale de publication sur le site du Lampadaire, nous souhaiterions avoir votre aval : nous nous demandons si vous voudriez bien entrer dans notre jeu. Le dispositif serait totalement abouti si vous acceptiez d’y participer comme vous avez accepté de poser pour la photo de l’exposition.
Nous avions proposé à Jean-Philippe Toussaint trois types d’interventions :
-une forme minimale : les sept écrivains de la photo nous donnent un accord de principe, auquel nous pourrons nous référer dans notre publication ; ils n’auront rien d’autre à faire, qu’à s’amuser à lire les jeux de miroir que nous avons mis en place, y chercher liens et différences, s’en étonner peut-être et, nous l’espérons, s’y reconnaître ;
- une clé de voute : l’écriture d’un texte collectif sur les rapports que vos écritures respectives entretiennent avec la lumière et les objets qui la propagent, textes que nous pourrions mettre en préambule à notre publication ;
- une insertion dans la fiction : l’un d’entre vous (peut-être Pierre Bayard, ou celui de vous qui en aurait envie) raconterait votre rencontre dans la forêt de Dante.
Votre ami a choisi la première possibilité ce qui invalide l’éventualité d’un texte collectif, mais ce qui n’empêche pas l’écriture d’un très bref texte qui servirait de préambule à notre installation. La troisième proposition reste toujours d’actualité.
Evidemment, nous sommes ouvertes à toute autre proposition ou suggestion.
Vous trouverez ci-dessous les liens avec le site, ainsi que les références des textes sélectionnés.
Nous espérons que cette fiction que nous vous proposons vous amusera et que vous aurez envie d’y participer d’une manière ou d’une autre.
Dans l’attente impatiente de vos réponses, le Lampadaire vous prie d’accepter ses meilleures salutations.
Sophie Saulnier
pour le Lampadaire
LIENS
Accès au site : http://le-lampadaire.fr/
Accès aux textes de Roussel, Nerval, Cendrars : http://le-lampadaire.fr/12-1
Accès aux Lustres de Jean-Philippe Toussaint : http://le-lampadaire.fr/12-6
RÉFÉRENCES DES TEXTES SÉLECTIONNÉS
Carrère : Limonov p. 144 (éd. P.O.L.) la remarque sur Madame Bovary ; p. 197 la remarque sur la répétition dans la fiction ; p. 139 et p. 337 les passages sur les enseignes lumineuses ; p. 260 le passage sur « l’ampoule de faible voltage » et celui sur les lumières tamisées p. 142.
Djian : Sainte Bob, p. 39 (éd. Folio) (le premier paragraphe).
Echenoz : Des éclairs, pp. 8-9 (éd. Minuit) la naissance de Grégor (deux paragraphes); l’homme électrique pp. 62-63 (trois paragraphes)
Rolin : Un éclair puis la nuit, p. 141 (éd. Minuit) (les vingt-deux dernières lignes).
Torres : Le texte, Dante dans la forêt, les photos de l’exposition.
Mise en place du dispositif. Crédits, remerciements, et métamorphoses (états) de la légende
Six auteurs sur les sept de la photographie ont bien voulu répondre à notre demande. 6 est donc notre chiffre, ou plutôt 7 moins 1. Parce que 7 sur la photo, parce que 7 dans la forêt de Dante, parce que 7 et la nuit. Parce que 7. Parce que vous savez tous ce que c’est que 7. Parce que 7 moins 1 reste toujours 7. Donc nous dirons 7 même si c’est 6, mais par respect pour la volonté du 7 nous ne mettrons pas ses textes. Ah, c’est dommage parce qu’un électricien de génie, on en a toujours besoin. Surtout pour inventer le néon. Admettons le néon sans son inventeur.
Nous remercions les 7, ah pardon les 6, auteurs d’avoir accepté avec autant de générosité, gentillesse, disponibilité et confiance notre proposition, et leurs maisons d’édition qui nous les ont temporairement prêtés, les textes, pas les auteurs bien sûr.
Nous remercions aussi la galerie Sator qui nous a communiqué les photos de l’exposition de Pascal Torres et donné l’autorisation de les publier sur notre site (vous trouverez leur adresse dans nos liens).
Au texte de lui que nous avions trouvé (vous en avez la référence dans les deux lettres), Olivier Rolin a préféré nous proposer deux extraits de son Invention du monde. Nous avons perdu l’éclair de mort, en forme d’arbre, sortant du pistolet de Suzanne ; mais de toute manière on n’avait plus d’histoire d’éclairs (vous savez, quand la nuit d’éclairs accueille la naissance du géant génie, mais de celui-là, c’est décidé nous n’en parlons plus) en forme d’arbre puisqu’on avait perdu le 7. Une légende ça se forme, se déforme, et se transforme ; dans la préhistoire de la légende il y avait des éclairs, arborescences filandreuses qui font se rejoindre la terre et le ciel ; dans la version actuelle (mais est-ce la définitive ?), restent les arbres de la forêt dantesque. Alors voilà, on a perdu les éclairs (mais pas l’électricité) et on a gagné la création du monde. Quoi de mieux pour fonder une légende qu’une disparition tonitruante et une invention lumineuse?
Le Lampadaire, entité éminemment lumineuse, remercie aussi Sophie Saulnier pour avoir refusé le hasard, relu les 6 + 1, tiré les fils et tissé des liens..., et Agnès Jauffrès, coéditrice du Lampadaire, pour avoir osé se perdre dans la forêt de Dante à la recherche de la lumière (et du néon).