SUR LA LUMIÈRE
Les Empires de la Lune
COLLECTION DES NOUVEAUTÉS
LA LUNE ET L'EMPIRE
Et qui aurait pu penser que je te trouverais
même ici, assez proche
de l’Empire pour paraître
une compagne de son voyage à travers
le ciel. Et qui aurait pensé que tu t’arrêterais
pour regarder ces routes si encaissées
qu’un astre n’est presque jamais assez haut pour qu’on puisse
le voir. Pour te reconnaître il n’aurait pas suffi
de la lumière blanche que tu offres
aux plaines de la terre
et de la mer parce qu’ici elle se confond
avec les autres lumières et les couleurs que la nuit
libère. C’est pourquoi je t’ai attendue, soir
après soir, et j’ai laissé le temps s’enfuir
dans le quartier de ciel que je savais
être à toi et je t’ai vue monter et t’approcher
de l’antenne suspendue avec son phare
rouge là haut au dessus de la blancheur
des derniers étages de l’Empire illuminés
au point de paraître — oui, eux — un astre
amoureux de la terre, et je me suis senti
jaloux. Le plus difficile a été
de te retrouver chaque soir toujours un peu
plus tard. Le plus difficile a été
de m’arrêter dans ce coin où une esplanade
provisoire découvrait la vue et laissait
voir le quartier de ciel que je savais
être à toi tandis que tous se sauvaient
et c’était l’heure où les derniers
spectacles commençaient et nous ne pouvions
que nous aimer au milieu de la rue tels des amants
clandestins et l’attente chaque soir
était plus longue et ta nudité apparaissait
— quand enfin elle apparaissait — si blanche que
je me sentais mis à nu, gêné avec
mon appareil numérique à la main
comme un voyeur prêt à prendre toutes les photos possibles
du visible et à les garder
secrètes. Et ce fut ainsi jusqu’au dernier
soir où nous nous sommes rencontrés et la rue, toute entière,
était devenue nôtre, et de ceux
qui passaient nous ne nous sommes pas aperçus et pendant
ce temps commençait ton lent retour vers l’obscurité.
La Pensée prise au piège, Michele Tortorici,
édition bilingue, traduction Danièle Robert, Editions Vagabonde, 2010
LA LUNA E L'EMPIRE
E chi poteva pensare che ti avrei trovata
anche qui, così vicina
all’Empire da sembrare
una compagna del suo viaggio attraverso
il cielo. E chi pensava che ti saresti fermata
per guardare queste strade così sprofondate
che quasi mai un astro è alto tanto da potersi
vedere. Per riconoscerti non sarebbe bastata
la luce bianca che regali
alle pianure della terra
e del mare perché qui si confonde
con le altre luci e i colori che la notte
sprigiona. Per questo ti ho aspettata, sera
dopo sera, e ho lasciato scorrere il tempo
nello spicchio di cielo che sapevo
tuo e ti ho vista salire e avvicinarti
all’antenna sospesa con il suo faro
rosso lassù sopra il biancore
degli ultimi piani dell’Empire illuminati
tanto da sembrare – loro sì – un astro
innamorato della terra, e mi sono sentito
geloso. La cosa più difficile è stata
ritrovarti ogni sera sempre un poco
più tardi. La cosa più difficile è stata
fermarmi in quell’angolo dove uno spiazzo
provvisorio apriva la vista e lasciava
vedere lo spicchio di cielo che sapevo
tuo mentre tutti correvano
via ed era l’ora che gli ultimi
spettacoli cominciavano e non potevamo
che amarci in mezzo alla strada come amanti
clandestini e l’attesa ogni sera
era più lunga e la tua nudità appariva
– quando infine appariva – così bianca che io
mi sentivo scoperto, impacciato con la mia
macchina digitale tra le mani
come un voyeur pronto a scattare del visibile
le foto possibili e a tenerle
segrete. Ed è stato così fino all’ultima
sera che ci siamo incontrati e la strada, tutta,
era diventata nostra, e di quelli
che passavano non ci siamo accorti e intanto
cominciava il tuo ritorno lento verso il buio.
à lire ici un article de Danièle Robert sur Michele Tortorici
Le texte en italien